Mon histoire et mes antécédents

Retour en arrière

Pour vous expliquer comment j’en suis arrivée à envisager une lactation induite, je dois remonter plus de dix ans en arrière. En effet, à l’âge de 16 ans, mes parents ont commencé à s’inquiéter après avoir découvert que j’étais “sexuellement active”. La sexualité n’était pas du tout un tabou dans la famille, mais ils voulaient éviter d’être confrontés à une grossesse non désirée. Leur crainte était d’autant plus grande qu’à ce moment-là, je n’étais toujours pas réglée ! Ils craignaient que, par un mauvais concours de circonstances, je passe de “non réglée” à “enceinte”, et que cela soit remarqué trop tard. Il était donc impératif de faire certains examens pour savoir où en était ma puberté, et quel type de contraception envisager. J’ai alors fait une prise de sang, qui s’est révélée très inquiétante et qui m’a amené à passer une résonance magnétique.

C’est ainsi que j’ai appris, de façon brutale, que je ne pourrais jamais avoir d’enfants. J’étais, en effet atteinte du Syndrome d’Insensibilité Complète aux Androgènes, qui m’offrait une grande taille et une belle peau, mais qui se traduisait également par une absence d’utérus et d’ovaires. Sans être sensible aux androgènes, mon corps n’avait jamais pu développer ses gonades sexuelles, qui étaient donc restées au stade embryonnaire. J’appris également que j’étais “XY”, comme un garçon… que j’aurais du devenir.

Il me fallut de nombreuses années pour me reconstruire après cette annonce dramatique. J’ai questionné mon identité, ma sexualité, mon genre, mes projets de vie, toutes les certitudes sur lesquelles je m’étais construite durant tant d’années. Moi qui rêvais, stupidement, de devenir mère adolescente, je devais accepter l’idée de ne jamais porter la vie, de ne jamais accoucher, de ne jamais transmettre mes gênes. Ce fut long et très difficile.
Et même de nombreuses années plus tard, chaque film, chaque amie annonçant un heureux événement, ramenait à la surface ma souffrance et le sentiment de terrible injustice qui l’accompagnait.



L’adoption ?

Bien sur, comme me l’ont dit beaucoup de personnes : “Il suffit d’adopter !“.
Je savais que cette possibilité existait, et j’en étais soulagée. Mais je refusais d’envisager cette solution tant qu’elle n’était pas pleinement désirée. Je pense que toutes les personnes ne sont pas faites pour adopter, et découvrir son infertilité n’est pas un prérequis suffisant à devenir un bon parent adoptif. Fertile ou non, j’estime que cela doit avant tout être une vocation, une envie profonde et entière.
Encore trop engluée dans ma rancoeur envers l’Univers, je refusais de prendre ce chemin tant que je ne me sentais pas capable de l’emprunter à corps perdu, sans regard en arrière, sans sentiment d’injustice, sans regret.

Jusqu’à ce qu’un jour… nous allions, mon compagnon et moi, rendre visite à des amis à nous, à la maternité. Ils venaient d’avoir une magnifique petite fille. Je pleurais à chaudes larmes, d’une immense joie sincère, teintée de toujours un peu de douleur, en les voyant tous les trois dans cette chambre blanche.
Mais quand j’ai tenu dans mes bras ce petit être d’à peine deux jours, j’ai soudain réalisé que j’aimerais au premier regard l’enfant que l’on mettrait ainsi contre moi, que je l’aie moi-même porté ou non. J’étais prête à devenir Mère.

Alors commencèrent les interrogations et les discutions de couple de tous les futurs-parents dans cette situation. À la différence près que j’envisageais une solution que j’avais jusqu’alors toujours rejeté : la gestation pour autrui. J’étais, par le passé, certaine que je ne pourrais jamais imaginer vivre cette expérience sans être profondément jalouse de la femme qui aurait la chance de porter mon enfant tandis que je ne le pouvais pas. Mon regard était à présent tout autre, et toutes les informations que je pouvais récolter ne faisaient qu’enraciner plus profond mon désir de devenir mère de cette manière.

Grâce à de merveilleuses personnes chères à notre coeur, c’est devenu possible. Tel un miracle. Ne m’en veuillez pas d’avoir la pudeur de ne pas en dire plus, cette partie de l’histoire n’appartient qu’à nous….

Il était alors temps pour moi d’entamer “ma” grossesse, mon parcours du combattant pour pouvoir un jour allaiter, ne fut-ce qu’en partie, notre enfant…